C'est par surprise que j'ai attaqué le col de l'Izoard, la griserie de la montagne ayant eu raison de mon impatience.
Je terminai mon précédent article en expliquant que, l'après-midi du jour de mon arrivée dans la vallée de la Durance, j' avais mis au programme la reconnaissance du col de l' Izoard après le déjeuner.
Du Centre de la Banque de France d' Embrun où j'avais posé mon paquetage, je me dirigeai donc vers Guillestre, à 19km à l'Est. J'avais toujours le vélo dans le coffre et un équipement cycliste disponible dans la voiture. Il faisait beau temps et je découvrais la vallée de la Durance et la rivière elle-même sur laquelle des amateurs de rafting s'éclataient au milieu des cris stridents des filles tout émoustillées. Avant d' arriver à Guillestre j'aperçus au loin des cyclistes que je ne tardai pas à rejoindre. Leur allure, le temps ensoleillé....c'en était trop. C'est là que mon programme a subitement été modifié dans ma petite tête : supprimée la reconnaissance du col : "IZOARD, je te grimpe aujourd'hui" !!!
C'est précisément parce que je n'avais pas fait la reconnaissance du col que j'ai été surpris par les douze premiers kilomètres, bien qu' ayant consulté différents sites internet traitant de cette ascension avant de quitter ma province. En effet, après un court passage au pourcentage moyen, la pente des kilomètres suivants était plutôt négative ou semblait l'être. L'allure élevée (pour le franchissement d'un col) de 35km/h à laquelle je roulais nécessitait si peu d'effort que, pensant à mon fils qui était sur le point de devenir papa pour la 3e fois, je pris le temps de dégainer mon portable pour lui laisser un message verbal, le fiston n'étant pas un accroc des télécom n' a pas souvent son mobile à portée d'oreille !
Toujours est-il qu' après avoir franchi les tunnels et passé la Combe du Queyras, J'arrivai à la bifurcation qui mène soit vers St Véran et le col Agnel, soit au col de l' IZOARD. C'est là que commence véritablement l'ascension du col avec une pente relativement modeste qui s'accentue sur quelques dizaines de mètres à plus de 10%. Le profil de la route évolue dans des pourcentages de 5% à 7% avant d' atteindre Arvieux. Dès la sortie du village, la difficulté rappelle au cycliste qu'il n'est pas dans le plat pays cher à Jacques, mais bel et bien en train de grimper l'un des cols les plus réputés de la Grande Boucle. Il faut naturellement penser à boire régulièrement et s'alimenter avant que les conditions ne deviennent réellement très difficiles, la déglutition dans l'effort intense perturbant le rythme respiratoire qu'il est important de conserver assez régulier. Sur près d'un kilomètre la route s'incline à 10% puis, après une courte pause, elle redépasse 7% et 8% avant Brunissard. Et là, on n'est pas au bout de nos peines ! On évolue à 1800m d'altitude et devant soi se déroule un ruban bitumé à 10% sur 800 m avant une portion de 2,5km à 9% suivie d'une autre de plus d'un 1 km à 8% pour atteindre la fameuse Casse Déserte. Jusque là, le regard se fixe sur les 2 mètres qui se déroulent devant le vélo et la concentration sur la gestion de l'effort rend inaccessible à la vue la beauté des sites qui vous entoure. C'est dans la plus grande ignorance que j'ai passé les plaques gravées aux noms de Fausto Coppi et de Louison Bobet.
A la Casse déserte, on a enfin le loisir d'admirer pendant quelques centaines de mètres de répit le paysage quasi lunaire qui s'étend autour de nous. Je maintiens néanmoins un effort minimum pour franchir cet espace où la pierre a pris possession de la montagne. Il reste un peu plus de 2km de pente à 9% à parcourir avant d'atteindre un final au dessus de 7%. La lutte est très dure contre le vent qui vient du Nord et que plus aucune végétation n'arrête. J'attaque les pédales comme le bûcheron qui cogne le tronc d'un arbre avec les mêmes cris de hargne. Les muscles tiennent et je ne pressens aucune défaillance de leur part. Je surveille ma respiration pour garder au palpitant un battement raisonnable. Enfin j'atteins la dernière courbe qui dévoile le haut monument symbolisant l'arrivée au Col de l'IZOARD.
Quel enthousiasme, quel bonheur, quelle satisfaction.....mais ça caille !!!! Le vent est froid et violent. Il y a bien un petit cabanon de l'autre côté de la route contre lequel s'abritent des cyclistes montés avant moi ou ayant fait l'ascension depuis Briançon, mais le local n'est pas ouvert.
...C'est à Guillestre que, le lendemain, j'ai pu trouver dans un magasin SPORT2000 un maillot de cycliste à ma taille et qui portait inscrit en blanc sur fond noir :
COL DE L'IZOARD 2361 mètres
Voir la Montée du col de l'Izoard